
Après avoir très tôt participé à nombre d’expositions collectives durant sa formation, c’est après son diplôme aux Beaux Arts de la prestigieuse Université Hongik à Séoul que Hwang Dayeon commence pleinement à prendre son essor et à multiplier les expositions individuelles, en Corée mais aussi à Londres ou aux Etats-Unis.
Il y a quelque chose d’immédiatement séduisant et apaisant dans la contemplation des œuvres de Hwang Dayeon, dont le travail sur la couleur emprunte aux travaux de Faber Birren pour accéder à cette forme de plénitude. Ce sont des paysages familiers, lieux de villégiature et de vacances, loisirs estivaux, un sentiment qui serait comme un appel à l’oisiveté s’il n’y avait cette désertion de tout être humain, où un assemblage d’objets hétéroclites évoquent son passage, dans un passé vieux de quelques instants comme de plusieurs siècles.
Ce n’est pas l’inquiétante étrangeté de Freud, mais plutôt une tranquille étrangeté, un espace de projection pour le spectateur pour lui convoquer les odeurs de la mer, le caoutchouc des ballons gonflables, le chlore des piscines, la crème solaire sur les transats. Mais il y a surtout, dans la boîte à figurines de l’artiste qu’elle place aléatoirement sur ses toiles, toutes ces sculptures antiques, à la fois en distance ironique de nos façons de voyager qui alternent activités reposantes et superficielles et visites archéologiques ou culturelles obligées, et nos souvenirs qui mélangent tous ces items pour créer un panorama unique qui sera notre petit paradis perdu estival.
L’artiste parle de « pantopie », ici un monde idéal que chacun peut se reconstruire partout et à tout moment dans la projection d’un imaginaire, et c’est soudain en écho poétique la citation apocryphe d’André Bazin qui ouvrait Le Mépris de Jean-Luc Godard, « Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs, Le Mépris est l’histoire de ce monde ». Qu’il s’agisse des couleurs, du paradis finissant des studios de cinéma Cinecittà où se déroule une grande partie du film, des lignes claires de la Villa Malaperte à Capri ouvrant sur un océan turquoise, et des bustes antiques dialoguant entre eux pour conter l’histoire d’Ulysse, tout ce qui fait écho ici à l’œuvre de Hwang Dayeon qui est, aussi, l’histoire de ce monde.